Cyrus Cornut, de la série «Chongqing, on the four shores of passing time», district de Banan, Chine, décembre 2017. © Cyrus Cornut

Le grand jour approche. Photo Elysée s’apprête enfin à accueillir son public, orphelin de l’institution depuis maintenant vingt longs mois. Et pour cette réouverture tant attendue, les lieux ont évidemment pensé à une crémaillère à la hauteur de l’événement. L’institution ne sera pas seule pour son grand retour. Elle s’associe en effet au mudac (musée de design et d’arts appliqués contemporains), avec lequel elle fait bâtiment commun, et au MCBA (Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne), son nouveau voisin, pour une exposition inaugurale en trois volets sur l’univers ferroviaire: Train Zug Treno Tren sera visible du 18 juin au 25 septembre.

Plateforme 10 comme une gare géante

Depuis son nouvel écrin de Plateforme 10, Photo Elysée a une vue imprenable sur la gare et le va-et-vient des trains circulant sur les lignes Lausanne-Genève et Lausanne-Neuchâtel. Quoi de plus logique, dès lors, que de faire du chemin de fer l’élément central de ce premier événement conjoint. Mais avant de s’attarder sur son contenu, arrêtons-nous brièvement sur les nouveaux lieux qui vont l’accueillir. La visite guidée, c’est Marc Donnadieu, conservateur en chef et commissaire de l’exposition, qui s’en charge. A l’intérieur de l’immense cube balafré imaginé par le bureau Aires Mateus e Associados, l’agitation règne. Au son des perceuses et des marteaux, les ouvriers s’activent pour que tout soit fin prêt pour le jour J. Les locaux sont encore vides, d’un blanc immaculé, mais dans l’esprit de Marc Donnadieu, les œuvres semblent déjà accrochées aux cimaises. Et pas n’importe lesquelles. Un dédale de panneaux ajustables à l’envie va envahir des espaces aux volumes gigantesques. Un défi qui ne fait pas peur au commissaire: «C’est effectivement un choc. Nous avons eu l’habitude de travailler dans une maison du XVIIIe siècle et nous habitons aujourd’hui des locaux ultra modernes. C’est une autre façon de travailler, très enthousiasmante, avec des possibilités infinies. Notre plus grand défi est peut-être aujourd’hui d’avoir trop de liberté.»

Olivia Bee, «Paris at Sunrise (Poppy),» © Courtesy Olivia Bee /
Galerie du Jour agnès b.

A l’étage, c’est le fief du mudac, et au sous-sol, avec des ouvertures sur des patios, celui de Photo Elysée. Mais pour cette exposition inaugurale, le mot d’ordre est transversalité. Les trois occupants du nouveau quartier des arts travaillent main dans la main pour proposer au public un événement le plus décloisonné possible. À l’Elysée, il y aura donc de la photographie mais pas uniquement, loin de là : «Il y a un vrai dialogue entre les trois institutions, précise Marc Donnadieu. C’est l’occasion de montrer au public la manière dont nous travaillons ensemble, que cela soit entre les équipes ou dans la finalité de l’exposition. La photographie ne sera pas à l’honneur, c’est véritablement la thématique du train qui est mise en avant, abordée de différentes manières en fonction des identités de chacun. On pourra autant trouver des peintures à l’Elysée que des photos au mudac par exemple.»

Le train dans tous ses états

Au milieu des murs encore vierges, Marc Donnadieu s’agite. Il pointe du doigt des photographies imaginaires, réfléchit à des ambiances, décrit des commandes qui ne sont pas encore arrivées. Pour lui, l’exposition a déjà commencé. Depuis un bon moment: «Une exposition comme celle-ci se sépare en trois moments charnières. Il y a tout d’abord la recherche, une période d’exaltation. Puis vient l’ouverture des caisses, un moment magique, comme lorsque l’on s’apprête à ouvrir ses cadeaux de Noël. Et enfin l’entrée du tout premier visiteur. Je mets un point d’honneur à être présent à l’ouverture et à la fermeture.» Pour le moment, les préparatifs vont bon train et les œuvres ont été soigneusement choisies. Peut-être l’étape la plus difficile de cette inauguration. Trop d’idées, trop de possibilités, des collections immenses dans lesquels il a fallu faire un difficile choix curatorial. Un premier tri duquel ont émergé plus de 7000 œuvres. Les nouveaux locaux de Photo Elysée ont beau être spacieux, il a fallu réduire la voilure. Ce sont finalement quelque 350 œuvres ou objets de toute nature que les visiteurs auront la chance d’admirer à l’étage inférieur du bâtiment.

Louis Sabattier, «Foule de voyageurs dans une gare», sans date. © Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris

Revenons aux trains, une thématique qui n’est pas sortie du chapeau comme par magie. L’histoire de la photographie est intimement liée à celle du rail. De sa naissance au début du XIXe siècle à son développement au fil des décennies, le huitième art a fidèlement accompagné l’imaginaire de la locomotive. Les récits évoluent en parallèle, comme les rails d’une même voie, et cette exposition les relient à la manière d’une bille de chemin de fer. La proposition de Photo Elysée, intitulée Destins croisés, se décline en trois «parcours» principaux, avec en tout 15 «stations» à explorer. Un voyage au long cours que Marc Donnadieu a voulu chronologique: «Les visiteurs auront droit à certains classiques, comme L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat des frères Lumière, Le Pont de l’Europe de Gustave Caillebotte ou encore des représentations de l’Orient Express. Mais il y aura également d’autres œuvres beaucoup plus inattendues. Le but est de mêler évidence et surprise.»

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