Luis Carlos Tovar, «My Father’s Garden (Proof of Life)», 2018. Lauréat du Prix Elysée 2018-2020, le photographe colombien a vu son travail publié ce printemps. ©Musée de l’Elysée

Il existe aujourd’hui de nombreux prix photographiques. Il y a ceux destinés à la jeunesse, offrant à des artistes en devenir une vitrine pour révéler leur talent. Puis il y a les récompenses qui consacrent une carrière, faisant entrer dans la postérité une vie derrière l’objectif. Si l’avenir et le passé sont souvent à l’honneur, le présent est quant à lui le ventre mou des prix photographiques. Reconnus par leurs pairs sans être encore des pontes du métier, les artistes à mi-carrière peuvent parfois ressentir cette période comme une forme de traversée du désert.

C’est là qu’intervient le Prix Elysée. En 2014, l’institution lausannoise et Parmigiani Fleurier s’associent pour soutenir ces photographes situés dans cet entre-deux, eux qui, au gré de leurs projets et expositions, font vivre les musées. «Ce prix, c’est un peu une manière de les remercier, de les suivre dans l’évolution de leur carrière et de les soutenir. Le but d’un musée, ce n’est pas uniquement exposer les œuvres d’artistes, c’est aussi encourager la créativité en leur offrant un coup de pouce», explique Caroline Gilliard, coordinatrice du Prix Elysée.

Accompagner un projet sur le long terme

S’il est plutôt aisé de situer un début ou une fin de carrière, difficile de trouver le profil type du photographe à mi-parcours. Les critères de sélections pour cette récompense sont d’ailleurs intentionnellement flous, de sorte à inclure un large horizon de photographes. L’âge, la nationalité ou une technique particulière ne font par exemple pas partie des prérequis pour envoyer sa candidature: «Le Prix Elysée est ouvert à des artistes reconnus, c’est-à-dire ayant déjà été exposés ou publiés, utilisant le medium photographique. Nous demandons également qu’ils soient recommandés par un professionnel de la photographie, de l’art contemporain, du cinéma, de la mode, du journalisme ou de l’édition. Mis à part cela, le prix est ouvert à toutes et tous. » N’imposant aucun thème, le Musée de l’Elysée fait aussi le pari de laisser le choix du sujet aux photographes, de sorte à leur offrir le plus de liberté possible. Ce faisant, le prix leur permet de poursuivre l’exploration de différents styles tout en continuant à se chercher artistiquement parlant.

Le Prix Elysée ne célèbre pas non plus un travail prêt à être exposé ou publié. Étalé sur deux ans, il a pour but de sélectionner des projets qui vont ensuite éclore petit à petit pendant ces vingt-quatre mois. Pour la quatrième édition de ce projet, le Musée de l’Elysée a reçu début 2020 pas moins de 255 candidatures provenant des quatre coins du monde. Huit travaux ont été retenus au terme d’un premier tour de sélection, qui marque alors le début d’une année de travail et d’approfondissement. Au printemps 2021, les huit candidatures ont cette fois-ci été soumises à un jury international d’experts, afin de décider du ou de la lauréate.

Un prix qui s’adapte

Comme la majorité des événements culturels ces derniers mois, le Prix Elysée est lui aussi placé sous le signe du coronavirus. Mais tous les nommés ne sont pas logés à la même enseigne niveau restrictions sanitaires. Les projets nécessitant voyages et déplacements sont forcément pénalisés, tout comme les photographes résidant dans des pays ayant choisi la règle du strict confinement. Conscient de cette problématique et soucieux d’assurer une égalité de traitement entre les candidats et candidates, le Musée de l’Elysée a dû s’adapter, témoigne Caroline Gilliard: «C’était une édition pas comme les autres. Plusieurs photographes ne pouvaient pas sortir de chez eux, ni voyager, ce qui avait un impact sur la réalisation de leur projet. Nous avons dû prendre en considération les situations de chacune et chacun, et avons exceptionnellement prolongé le délai de rendu de quelques semaines afin de leur permettre de travailler plus longtemps.»

Jamais l’idée d’annuler cette édition n’a cependant traversé l’esprit des équipes du Musée de l’Elysée, qui ont dû redoubler d’ingéniosité pour assurer la bonne tenue de l’événement. Afin de faciliter l’accès aux dossiers de candidature, l’organisation du Prix Elysée 2020-2022 a été en bonne partie réalisée par voie digitale. Cela a permis aux équipes du musée et aux jurés de découvrir les projets des artistes malgré le contexte sanitaire. Cette solution a également simplifié le processus de délibération pour désigner les huit projets nominés ainsi que le ou la lauréate. Une petite révolution qui risque de se perpétuer pour les prochaines éditions.

Célébrer une période charnière

Outre une importante reconnaissance dans le monde de la photographie, cette récompense est aussi une manne financière bienvenue pour mener à bien un projet de grande envergure. Pour cela, le Musée de l’Elysée est associé à Parmigiani Fleurier, le partenaire unique de ce prix, qui offre au lauréat la somme de 80’000 francs. Si cette maison suisse de haute horlogerie est liée au monde de la photographie depuis la création du prix, ce partenariat n’est pas anodin pour autant, comme l’explique Guido Terreni, son nouveau CEO: «Les marques de montre ont en effet plutôt tendance à s’associer avec l’univers des sports d’adrénaline ou du vintage. Pour Parmigiani Fleurier, qui est profondément enraciné dans la restauration horlogère, il y a un véritable sens à collaborer avec le Musée de l’Elysée, qui lui aussi s’engage à préserver un art et une façon de faire qui peuvent se dégrader et devenir obsolètes avec le temps.»

Guido Terreni est également convaincu par la nécessité de mettre en avant cette période se situant entre l’éclat d’une première consécration et la gloire de la rétrospective. Une temporalité qui lui parle et qu’il trouve important de célébrer: «L’environnement de la création est fragile et le milieu de carrière est un moment charnière. Après s’être fait connaitre, il s’agit désormais de confirmer certaines attentes, ou de se relancer après avoir fait ses premiers pas.» Si le prix ne récompense qu’un seul candidat, les projets des huit photographes présélectionnés sont à retrouver dans le livre des nominés, paru en janvier de cette année. D’habitude annoncé durant le traditionnel événement de la Nuit des images, le lauréat ou la lauréate sera dévoilé en ligne le 22 juin prochain.

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