Photo envoyée par Christophe Chenaux

Suite à l’appel lancé par le journal en ligne L’Elysée hors champ, le graphiste Werner Jeker, qui a signé plus de 120 affiches pour l’institution lausannoise, commente quelques-unes des photos que vous nous avez envoyées.

Comme un air de jazz

Photo envoyée par Mélisande Grivet

«Cette photo d’Elliott Erwitt est tellement parfaite… J’ai choisi de jouer avec sa composition en ajoutant en haut à droite un rectangle noir rappelant le bloc central. Erwitt a un œil très graphique, il fallait que j’aille dans la même direction avec la typographie. C’est comme dans le jazz: un musicien donne la mélodie et les autres la poursuivent. Lorsque je crée une affiche, je suis comme un instrument qui vient s’ajouter aux autres. Je commence toujours par composer le texte que je dois inscrire, et après je le place sur les images. Si le texte devient alors comme une image, ça veut dire que j’ai réussi. Les lettres étant composées de traits, j’aime bien trouver des mots qui provoquent graphiquement quelque chose.»

Une certaine idée du Paradis

Photo envoyée par Rayane Zahreddine

«Même si cette image est belle, et que Genesis reste l’exposition la plus vue de l’histoire du Musée de l’Elysée, je dois avouer que je préfère les premières affiches que j’ai faites pour Sebastião Salgado. Sur cette photographie, il donne une certaine représentation du Paradis. Quand il était plus jeune, il montrait des travailleurs. Je préfère ça…»

Maharaja de Jaipur

Photo envoyée par Jacqueline Dousson

«J’ai moi aussi cette affiche dans mon corridor, car j’aime bien son histoire. Charles-Henri Favrod était revenu de Jaipur avec une caisse remplie d’une trentaine de plaques de verre à partir desquelles on a fait des tirages. Sur cette photo, on voit ce type qui semble être en train de méditer. Mais en réalité, si on regarde bien, on se rend compte qu’il s’agit en fait d’un autoportrait; on le voit dans l’action, en train de prendre la photo. Et ce type, c’est le maharaja de Jaipur. La photo a été prise à Londres… en 1848! J’ai encore une douzaine de photos qu’il a prise de sa cour et de ses cavaliers. Quand des gens viennent chez moi, je montre souvent ces images en racontant une histoire qui tient debout, mais que j’ai inventée. Un jour, j’ai reçu le neveu d’Oskar Schlemmer, du Bauhaus, et il a tout de suite remarqué que mon histoire était fausse. Il m’a expliqué que chaque costume provient en fait d’une région différente de l’Inde, et que ces photos devaient probablement avoir été prises lors d’une fête.»

Un regard complémentaire

Photo envoyée par Claude Roubaty

«Cette image est tirée d’une vidéo de Jean Otth (1940-2013), qui est une des personnes les plus importantes de ma vie. J’avais totalement oublié cette affiche réalisée pour l’exposition collective Le corps évanoui en 2000. Au début des années 1970, j’étais un peu un jeune con, je faisais partie du groupe Impact, je traînais avec des artistes et disais détester le graphisme, que je considérais comme de le publicité. Lors d’une rencontre avec Jacques Monnier-Raball, le directeur de l’Ecole cantonale des beaux-arts de Lausanne, je lui ai dit qu’il dirigeait une école de m… J’avais les cheveux longs, j’étais arrogant, et il m’a dit: «Et bien alors, viens enseigner!» Deux ans après, j’étais responsable de département et j’ai alors cherché des gens que j’aimais bien pour m’entourer, dont Jean Otth. Au fil du temps on est devenu très proches, il est même le parrain de mon fils. Vu qu’il n’était pas graphiste, qu’il avait une autre approche, son regard m’était nécessaire. Lorsque j’ai gagné le concours pour réaliser un pavillon sur la douleur dans le cadre d’Expo.02, je l’ai aussi embarqué avec moi. On a travaillé en bonne intelligence avec également Eric Bart, l’ancien bras droit de René Gonzales au Théâtre de Vidy.»

Lire aussi: Werner Jeker commente vos affiches (1/3)

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