Chantal Prod’Hom (en compagnie de l’artiste Christian Marclay) lors des portes ouvertes du bâtiment abritant le mudac et Photo Elysée, novembre 2021. ©Jean-Christophe Bott / Keystone

A l’instar de Photo Elysée, le mudac (Musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains) a quitté une bâtisse historique pour renaître – après de longs mois de fermeture – sur le site de Plateforme 10. Rencontre avec sa directrice à l’occasion de l’ouverture officielle, les 18 et 19 juin, du bâtiment commun que se partagent les deux institutions lausannoises à quelques mètres du nouveau Musée cantonal des beaux-arts (MCBA).

Avec le recul que vous avez aujourd’hui, quel regard posez-vous sur ce déménagement?

Tout comme Photo Elysée, nous sommes vraiment passés d’une toute vieille bâtisse à un écrin flambant neuf. Notre ancienne maison datait du XVIIe siècle, avec même des vestiges datant du XIIIe au sous-sol. Mais au-delà d’un simple changement de lieu, le mudac va surtout changer d’atmosphère, de façon de penser et de réfléchir. J’aime vraiment cette appellation directe : «Un musée, deux musées». Car bien que nous partagions nos locaux avec Photo Elysée, nous gardons malgré tout deux identités et entités fortes et distinctes. Plateforme 10, ce n’est pas un seul grand musée avec trois départements différents, mais bien trois musées qui collaborent.

Comment accueillez-vous cette colocation avec Photo Elysée?

C’est extrêmement stimulant! Surtout, c’est un partage qui concerne différents aspects de nos institutions. Nous aurons des espaces publics communs, avec notamment la boutique, la bibliothèque, l’espace d’accueil ou la cafétéria. Et concernant la bibliothèque, la collaboration va plus loin puisque nous faisons fusionner nos fonds. Habiter un même lieu permet de mettre en commun nos forces pour mieux exploiter nos espaces. Ceci concerne la partie visible de notre collaboration. Et il y a aussi toute ce qui ne se voit pas forcément, la cohésion des équipes, l’entraide, etc. Cela fait maintenant des années que nous travaillons ensemble, aujourd’hui il est temps d’apprendre à vivre ensemble.

Comment est-ce que l’on garde son identité en partageant un même lieu?

Premièrement, nous n’avons pas les mêmes publics. Nous avons beau partager un même bâtiment, nous gardons nos façons de faire et si nous avons certains espaces communs, nous sommes aussi séparés architecturalement parlant: le mudac à l’étage et Photo Elysée au rez inférieur. Aussi, le bâtiment n’a pas de nom. Cela peut paraître anodin, mais ça permet aux visiteurs de ne pas englober nos deux entités sous une même appellation.

Le mudac occupe le premier étage du bâtiment commun abritant au rez inférieur Photo Elysée (ici des visiteurs lors des portes ouvertes organisées en novembre 2021 à l’occasion de la remise des clés). ©Laurent Gillieron/Keystone

Est-ce que vous vous êtes trouvés des points communs?

Nous nous sommes très vite senties très proches avec Tatyana Franck [ancienne directrice de Photo Elysée, à laquelle a succédé le 1er juin Nathalie Herschdorfer] et il y a toujours eu une très bonne compréhension et solidarité mutuelles. Le mudac n’est par exemple pas un musée patrimonial, comme peut l’être Photo Elysée, ce qui ne m’a pas empêchée de soutenir les besoins qui allaient dans ce sens. De l’autre côté, certains projets nous tenaient fortement à cœur, notamment la construction d’un plafond zénithal car le mudac a un grand besoin de lumière. Tatyana Franck a toujours soutenu cette demande.

Redoutiez-vous qu’il y ait des dissensions?

Je ne les redoutais pas vraiment, mais j’ai pensé qu’il aurait pu y en avoir. Et il n’y en a finalement pas eu! Même concernant des sujets qui auraient pu être susceptibles de provoquer des tensions. Nous avons débattu des différents projets et nous nous sommes fait confiance. Tatyana voulait certaines choses précises, notamment concernant la conservation. De son côté, elle m’a laissé faire pour tout ce qui était boutique, restaurant, mobilier, etc. Chacune faisait confiance à l’expertise de l’autre.

Au-delà des espaces communs, y aura-t-il aussi certaines formes de cohabitation artistique?

Nous avons déjà notre grande exposition inaugurale que nous organisons en commun avec Photo Elysée et le MCBA, mais l’idée n’est pas vraiment d’en refaire une prochainement. Nous avons déjà prévu notre programmation jusqu’à 2024. Cependant, ce n’est pas pour autant que nous n’allons rien faire ensemble, au contraire! Nous organiserons notamment en commun des conférences, des colloques, et nous allons très certainement mutuellement rebondir sur nos expositions respectives.

De quoi vous réjouissez-vous particulièrement?

Déjà de l’exposition inaugurale évidemment… Et mis à part ça, de toutes les activités autres que professionnelles que nous n’avons pas vraiment pu entreprendre jusque-là à cause du covid. Manger ensemble, profiter des beaux jours sur la terrasse, organiser des apéros, etc. Cela peut paraitre anodin mais c’est extrêmement important pour souder les équipes et créer une bonne ambiance de travail. Le mudac et Photo Elysée partageront un café dans l’espace d’accueil, le Café Lumen. Nous allons y accrocher une réplique de la plus vieille ampoule encore en fonctionnement au monde, et qui ne s’éteindra jamais. C’est aussi une belle façon d’envisager cette collaboration entre le mudac et Photo Elysée: une lumière qui ne s’arrête jamais de briller!

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