Exposition Martine Franck et Vasantha Yogananthan à l’Elysée, février 2019. ©Laurent Gilliéron / Keystone

Affirmer que l’argent est le nerf de la guerre pour un musée serait réducteur. Mais c’est bien en grande partie de son financement que vont dépendre les projets qu’il désire proposer. Et ça, le Musée de l’Elysée l’a bien compris. Consciente de son importance, sa directrice, Tatyana Franck, a décidé de consacrer un département à part entière à la collecte de fonds, souvent rattachée à la communication ou au marketing. Mieux, le département a même été renommé. «Nous avons décidé d’utiliser le terme mécénat, qui en dit plus sur ce que nous faisons et les gens avec qui nous travaillons. La recherche de fonds exprime une trop forte impression d’unilatéralité dans nos relations avec nos partenaires», détaille Adèle Aschehoug, responsable du mécénat.

Le Musée de l’Elysée fonctionne selon un modèle de financement mixte. Jusqu’à la création de la Fondation de droit publique PLATEFORME 10, le musée était une Institution cantonale rattachée au Canton de Vaud. Dans le même temps, il bénéficie du soutien d’une fondation de droit privé reconnue d’utilité publique à but non lucratif: la Fondation de l’Elysée, créée en 1988 et qui a permis de financer un grand nombre de projets majeurs depuis.

Du mécénat version XXIe siècle

Loin de la Rome antique ou des grandes familles de donateurs de la Renaissance, le musée aborde le mécénat de façon contemporaine pour se permettre de poursuivre des buts bien précis. Il permet notamment de financer des projets qui ne seraient pas réalisables uniquement avec l’argent que lui alloue le canton. «Cela nous offre une flexibilité budgétaire qui nous permet de mettre sur pied des projets plus grands, qu’on n’attendrait pas forcément de nous», explique Adèle Aschehoug.

Le mécénat joue aussi un rôle innovant, offrant des possibilités de co-création entre l’institution et ses donateurs. Pour la responsable du département, les deux exemples les plus emblématiques sont le Prix Elysée, financé par Parmigiani Fleurier, et les expositions en collaboration avec UBS: «Sans Parmigiani Fleurier, le prix n’existerait pas. C’est une formidable occasion d’encourager les photographes en milieu de carrière. Grâce à UBS, nous avons pu développer des expositions spécifiques, et avec la Fondation BNP Paribas Suisse, nous avons aussi eu l’occasion de lancer la version pilote du LabElysée. Plus récemment, des fonds privés ont quasi intégralement financé notre Photomobile.»

Les partenariats sont pensés conjointement, le musée privilégiant une approche co-constructive avec ses donateurs. Ceux-ci n’interviennent cependant pas dans la programmation, qui reste une prérogative de l’Elysée. «En théorie, il est primordial de se demander si l’on est effectivement libre de choisir ce que l’on veut programmer. Dans la pratique, c’est étonnamment plus simple, car nos partenaires s’associent avant tout à nous pour ce que nous savons faire. Personne ne nous a jamais empêché d’exposer une œuvre ou imposé quoi que ce soit», assure la responsable du département.

Maintenir le lien malgré la crise

La mission du département du mécénat ne s’arrête pas à la simple prospection de potentiels donateurs ou à la signature d’un contrat de partenariat financier. C’est même plutôt l’inverse, précise sa responsable: «Nous sommes en échange constant avec nos mécènes et nos sponsors. On essaie de les tenir le plus possible au courant des activités du musée.» Un travail qui n’est pas une sinécure en cette période de covid et de fermeture temporaire. Les rencontres physiques sont pratiquement impossibles et le déménagement garde son lot d’incertitudes et d’imprévus. Alors comme tout le monde, l’institution s’adapte. Pour les membres individuels des Amis, du Club et du Cercle de l’Elysée, les rencontres sont remplacées par des discussions en ligne, afin de conserver une forme de contact humain. Pour les autres partenaires, le département multiplie les visioconférences et leur a spécifiquement dédié une newsletter.

Le Musée de l’Elysée change également d’envergure en posant ses valises à PLATEFORME 10. Un déménagement synonyme de nouveauté et d’inconnu, avec des mécènes qu’il faut garder convaincus de poursuivre l’aventure. «Ils nous font heureusement confiance et nous n’avons pas eu de renégociations à entreprendre. Le tout, c’est d’être transparent.» Le transfert au pôle muséal chamboule aussi les budgets et crée de nouvelles opportunités pour lesquelles il faut des financements. Une tâche ardue en temps de crise sanitaire, où les mécènes se font plus rares et où le monde de l’art peut parfois passer au second plan. «La recherche de fonds s’est complexifiée depuis une année. Notre dernière campagne de prospection est tombée pile pendant la première vague de coronavirus et certains de nos potentiels partenaires ont décidé de recentrer leur stratégie sur des sujets sociaux ou de santé. Nous avons quand même réussi à trouver de nouveaux donateurs. Maintenant, l’enjeu c’est de maintenir un lien solide avec eux.»

Un tiers du budget total

Pour le moment, pas de soucis de financement pour ce département qui récolte à lui seul près d’un tiers du budget total de l’Elysée. Combiné avec la billetterie, le café et les événements privés, c’est même près de la moitié du budget qui est assurée par les ressources propres du musée: «C’est assez rare pour une institution culturelle publique. Mon département peut compter sur la vitalité de la philanthropie suisse, mais c’est tout de même énormément de travail». Le déménagement à PLATEFORME 10 continue de faire tourner à plein régime le département du mécénat, qui se projette déjà dans les futurs locaux. Prochain défi ? «Nous allons avoir un tout nouvel espace pour accueillir nos collections. Une de nos prochaines missions sera donc de trouver un ou plusieurs partenaires qui lui seraient dédiés», se réjouit Adèle Aschehoug.

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