Tatyana Franck © Grégory Collavini

Tatyana Franck, directrice du Musée de l’Elysée, revient sur une année pas comme les autres.

Août

La pandémie ralentit le flux des visiteurs, mais le musée ne s’en sort pas trop mal compte tenu de la situation actuelle, remplie d’incertitudes. Peu d’étrangers, mais plus de public jeune, et plus de locaux et régionaux consignés en Suisse et qui découvrent que notre ville abrite elle aussi des trésors, qui plus est, à deux pas de chez eux.

Les yeux rivés sur la route qui nous conduit à PLATEFORME 10, pied au plancher, nous pourvoyons les postes nécessaires à la bonne conduite de ce périple.

Septembre

Le musée ferme ses portes à la fin du mois. Nous rêvions d’une grande et belle fête afin de prendre congé de notre bâtisse avec nos publics, nos amis et tous ceux – professionnels ou amateurs – qui y ont été accueillis depuis 35 ans. Covid oblige, «grande» n’est plus de mise. Mais pourquoi ne pas continuer à la rêver belle? Nous travaillons d’arrache-pied afin de concrétiser ce souhait qui nous tient vraiment à cœur. La magie de la programmation de l’événement se fait et se défait sans cesse, pour recommencer encore et toujours en fonction d’une myriade de facteurs inconnus et de changements de directives sanitaires.

Nous avons des doutes. Faut-il abandonner, tout simplement, ou au contraire, ne surtout pas lâcher? Nous persévérons. Cette fête doit être, absolument. D’abord pour envoyer le signal fort que, oui, il est possible de donner vie à ce que nous voulons en nous adaptant, et ensuite parce qu’il est impoli de tirer une porte derrière soi en ne remerciant pas les hôtes qui nous ont offert l’hospitalité. Nous avançons malgré tout, pas à pas. Finalement, nous retrouvons envers et contre tout tous ceux, ou presque, que nous voulions à nos côtés pour «éteindre la lumière». Grand moment d’émotion. De reconnaissance aussi, pour tout ce qui a été offert par cette maison à la population vaudoise dont nous sommes, et d’excitation pour ce qui nous est donné dans notre nouvel écrin.

Nous venons d’apprendre le nom du directeur général de PLATEFORME 10, et nous nous réjouissons de faire sa connaissance.

Octobre

La lumière se rallume dans les salles du musée, désormais vides d’œuvres exposées et de visiteurs. Les collections et le département technique investissent les espaces, s’y déploient de manière spectaculaire. Partout, des caisses, des tables de travail, des lampes dédiées, des outils de toutes tailles et de toutes formes, des étagères et des tiroirs remplis de matériel papier, PVC, vis, clous, colle… Notre déménagement devient rien moins que virtuel. Cet atelier rempli d’œuvres et de savoirs hébergés dans un site historique pourrait, s’il était pérenne et public, parfaitement s’inscrire dans les Journées du patrimoine. Je sais déjà que l’accessibilité visuelle prévue pour le public à l’atelier de restauration de notre futur musée sera très appréciée. Les coulisses regorgent de mystères: nous en éclaircirons quelques-uns.

Novembre

Le voyage se poursuit, non sans rencontrer une seconde vague d’épidémie de Covid-19, tout aussi sévère que la première, mais mieux maîtrisée. Les musées, entre autres lieux de rencontres et de partages, sont à nouveau fermés aux publics. L’année tire à sa fin dans une ambiance un peu triste, et non sans anxiété. Les jours plus courts et le froid incitent à se replier chez soi, où beaucoup se trouvent dans tous les cas déjà, puisqu’en télétravail. Mais un joli rayon de soleil frappe quand même à nos fenêtres: les derniers catalogues édités par le musée pour les expositions René Burri et reGeneration4 sont tous deux récipiendaires du Deutscher Fotobuchpreis, le premier catégorie argent, et le second, bronze.

Et comme le beau temps appelle le beau temps, nous sommes heureux d’apprendre aussi qu’Inch Furniture, le concepteur du mobilier urbain «Circulateur» de notre quartier des arts a remporté la catégorie «Hasen in Gold» du prix de design «Die Besten 2020» décernées par le magazine Hochparterre; tandis que INT Studio recevait celle du «Hasen in Bronze» pour son travail «Interactive Replicas» sur les collections.

Décembre

Je sens mes équipes toujours aussi motivées, mais fatiguées par la charge de cette année pas comme les autres, même si chaque collaborateur tente de donner le change, et y arrive plutôt bien. Je les sais courageux et volontaires, mais les congés hivernaux seront les bienvenus. J’espère que ce temps de repos très mérité contribuera à leur redonner des forces, et à se réjouir pour entamer la suite de notre menu. Il faut dire qu’il est bien alléchant ce menu, avec en guise d’apéritif la remise des clés du futur chez eux du Musée de l’Elysée et du mudac, et puis pour plat de résistance la découverte des trésors de nos collections par les publics dans la salle de collection permanente, qui sera gratuite et sur laquelle nous travaillons, et enfin, en dessert, l’exposition inaugurale commune aux trois musées qui fera pétiller pour la première fois et ensemble les multiples formes et couleurs des beaux-arts, du design et de la photographie sur un lieu dédié.

Oui, le compte à rebours vers la nouvelle année sera joyeux: «Au revoir 2020 et bonjour 2021! Nous avons accompli de nombreuses et belles choses au Musée de l’Elysée cette année. Mais la prochaine sera encore meilleure, je le sais!». 2021 sera placée sous le signe de… l’OUVERTURE !

Propos recueillis par Laurence Hanna-Daher

Auteur·e

Ecrire un commentaire