Créer un espace de réflexion autour de l’action humanitaire, c’est le dessein de l’exposition itinérante Principes humanitaires, ici et maintenant. Cette installation d’art contemporain, qui mêle courts métrages et photographies, voyagera autour du monde jusqu’au 31 décembre 2022.

Tandis que le Musée de l’Elysée déménage, une de ses expositions part en voyage. Pour cette installation, pas de cimaises, ni de cartons, mais une simple clé USB transmise par courrier aux ambassades suisses à l’étranger: Caracas, Kiev, Cracovie, Santiago, Tokyo… Le carnet d’adresses est long, grâce à une traduction dans les langues locales. Réalisé en partenariat avec le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ce dispositif interactif est accessible gratuitement à tous les publics.

Tout commence par une première collaboration fructueuse avec le DFAE entre 2013 et 2016, pour l’exposition Avec les victimes de guerre, photographies de Jean Mohr, présentée dans 25 pays et 59 lieux. «Après ce premier succès, nous avons souhaité renouveler l’expérience, avec une démarche différente,» relève Hannah Pröbsting, coordinatrice du projet et responsable des expositions itinérantes au Musée de l’Elysée. Principes Humanitaires, ici et maintenant éclot ainsi en 2018, à l’occasion de la Nuit des Images. L’Elysée donne alors carte blanche à dix photographes de Suisse romande pour illustrer, à travers des films de 2 à 4 minutes, leur vision de l’humanitaire au quotidien. «Nous avons mis l’accent sur une approche locale et contemporaine, car on assimile trop souvent l’humanitaire à des guerres, des famines, ou des catastrophes naturelles éloignées de la Suisse,» déplore-t-elle.

Vandalisés, les portraits de «Facing Prejudice» ont pris une tournure inattendue: «Les photos endommagées se sont transformées en une métaphore des difficultés d’intégration que rencontrent les personnes vulnérables», note le photographe Mark Henley .
(©Mark Henley)

Le but? Créer un espace de réflexion et de discussion autour des quatre principes humanitaires que sont l’impartialité, la neutralité, l’indépendance et l’humanité. «Chaque jour, des images de crises défilent sur nos écrans, si bien que nous y sommes devenus habitués. Cette exposition souhaite ralentir le regard que nous posons sur les enjeux humanitaires, pour mieux se questionner.»

Histoires universelles

Qu’il s’agisse d’art abstrait, de photojournalisme ou de récits autobiographiques, les dix artistes ont capturé des fragments de vie, et immortalisé des connexions émotionnelles, au-delà de la culture, du genre et de l’âge. Comme dans Schmolitz, où la photographe Caroline Etter dépeint la communication silencieuse entre un requérant d’asile et un employé des pompes funèbres, amenés à travailler ensemble. Ou encore, au détour d’une promenade au Salève, dans le court métrage de Laurence Rasti, qui aborde la notion de frontière à travers le témoignage d’un jeune afghan. «Les histoires émanant de ces productions sont universelles, à l’instar des valeurs portraitées,» souligne la coordinatrice, avant d’évoquer Renaissance, de Sarah Carp, qui retrace les défis d’une mère célibataire.

Ces films, qui équivalent parfois à un diaporama enrichi, mettent en lumière les notions humanitaires dans les menus détails de l’ordinaire. «Ces quatre principes forment une boussole guidant nos actions au quotidien, par exemple dans la manière que nous manifestons de la compassion ou non à un mendiant dans la rue,» éclaire Hannah Pröbsting. «Sur le terrain, les acteurs de l’aide humanitaire se retrouvent continuellement confrontés à ces dilemmes et microdécisions.»

Dans «Journées semblables», la photographe Manon Wertenbroek dépeint des conflits psychologiques en mêlant images abstraites, récits pessimistes et sous-titres réinterprétés avec empathie.
(©Manon Wertenbroek)

Après la contemplation, place à l’interaction. Les dix courts-métrages sont suivis d’un atelier interactif, comprenant six photographies de presse. Accompagnée de questions ouvertes, cette deuxième section est une invitation à l’introspection. «On cherche à stimuler des réflexions approfondies sur ces principes humanitaires complexes,» explique la coordinatrice du projet. Un livre d’or, disponible en ligne, propose aux visiteurs de formuler leurs interprétations et leur ressenti. «Cette plateforme invite les participants du monde entier à partager leurs réactions et à dialoguer entre eux,» affirme-t-elle.

Parmi les six clichés sélectionnés, le portrait amateur d’une fillette aux boucles brunes. Entre ses mains, une pancarte où on lit «Happy Birthday Daddy». «Le photographe Matthias Bruggmann s’est rendu en Irak, où il a demandé aux combattants de camps opposés de partager leur image préférée sur leurs téléphones,» commente Hannah Pröbsting, avant de spécifier: «Cette photo appartient à un homme qui figurait sur la liste des personnes recherchées par les États-Unis et Interpol…» Un éclat éclaircit son regard: «L’humanité, aussi, est une notion complexe.»

Une visite virtuelle de l’installation est notamment disponible sur la plateforme #DialoguesOnHumanity.

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