Depuis 2013, l’Institution de Lavigny collabore avec le Musée de L’Elysée à travers une formation sur-mesure: Passerelle Culturelle. L’occasion pour des jeunes de 16 à 20 ans en difficulté de développement ou d’apprentissage de bénéficier d’une première expérience professionnelle grâce au monde de la culture.

Tout est parti de l’initiative de l’ancienne directrice de l’Ecole Passerelle, un des départements de l’Institution de Lavigny. A la recherche d’une place de stage pour un des jeunes de cet établissement de pédagogie spécialisée, Deborah Galmiche contacte le Musée de l’Elysée pour lui soumettre le projet. Bingo, l’institution lausannoise est d’accord pour accueillir un étudiant pendant trois semaines.

Le courant passe bien et le stage se prolonge, permettant à l’Elysée et à l’Institution de Lavigny de faire connaissance. «Deborah Galmiche nous a expliqué le parcours scolaire particulier des jeunes étudiant à Lavigny qui ne rentrent souvent pas dans un moule d’apprentissage. Elle voulait leur donner plus de temps pour trouver leur voie et développer des compétences peut-être moins classiques. C’est par le biais de cette réflexion qu’elle a commencé à chercher à collaborer avec une institution culturelle et qu’elle a pensé à nous», se souvient Sinje Kappes, référente pour Passerelle Culturelle au sein du musée.

Genèse d’une collaboration

Tout comme Rome, Passerelle Culturelle ne s’est pas faite en un jour. Aucun autre projet similaire n’existe déjà, du moins pas en Suisse romande. L’ambition était de faire dialoguer le monde de la culture avec celui de l’enseignement spécialisé et de bâtir des ponts entre deux secteurs qui ne se côtoient pas forcément. Point de ralliement: le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC), chapeautant le projet et dirigé à l’époque par Anne-Catherine Lyon. Des groupes de travail ont également été mis sur pied avec l’Office de l’Assurance Invalidité, qui travaille en étroite collaboration avec l’Institution de Lavigny. «La création de ce programme était un grand chantier car il fallait rechercher des institutions culturelles partenaires, encadrer les jeunes, établir des contrats de travail, créer un programme scolaire… On s’est finalement mis d’accord sur une formation de trois ans durant laquelle un jeune est accueilli trois jours par semaine dans une institution culturelle. Le reste de la formation est consacré à des cours théoriques enseignés au Musée de l’Elysée», détaille Sinje Kappes. La formation est validée par le DFJC et entre dans une première phase de test avec trois élèves répartis respectivement entre L’Atelier Pietro Sarto à Saint-Prex, l’École de Jazz et de Musiques Actuelle de Lausanne et le Musée de l’Elysée. Passerelle Culturelle était née.

La culture comme outil d’intégration

Se tourner vers le monde de la culture a été un pari gagnant pour l’Institution de Lavigny, qui compte aujourd’hui 15 institutions partenaires du programme Passerelle Culturelle. Elle a notamment pu compter sur le réseau culturel très dense du canton de Vaud, qui a rapidement montré de l’intérêt pour ce projet: «Souvent, le frein principal ce sont les entreprises qui voient l’accueil de ces jeunes comme une contrainte et ne pensent qu’en terme de rentabilité et d’efficacité. Dans le monde de la culture, les gens sont peut-être plus ouverts d’esprit. Quand l’Institution de Lavigny est venue nous voir, nous avons tout de suite été intéressé et on s’est lancé», explique Sinje Kappes.

Atelier animé par Passerelle Culturelle lors du week-end de clôture de Musée de l’Elysée les 26-27 septembre 2020.
(©Passerelle Culturelle)

Autre avantage de ces partenariats: la pluridisciplinarité qu’offrent une bibliothèque, un musée ou un théâtre. Nul besoin d’être un passionné de danse pour faire son stage au Ballet Béjart, ou de vieille pierre pour travailler au Musée romain de Nyon. comme le précise Magali Stoller, coordinatrice de Passerelle Culturelle: «On se sert de l’environnement culturel pour faire développer, émerger ou consolider les compétences de ces jeunes. Une des élèves de cette formation a par exemple commencé au bar-restaurant du théâtre de l’Arsenic, car elle aimait la pâtisserie. Elle a ensuite participé à des moments de crèches pendant les représentations et a remarqué qu’elle adorait travailler en contact avec des enfants. On a donc logiquement axé la fin de sa formation dans ce domaine-là.»

Les choix et les envies des stagiaires sont évidemment écoutés si leur passion les dirige vers une institution spécifique. Néanmoins, les tâches ne sont pas toutes en rapport direct avec l’activité principale de l’établissement qui les accueille, comme l’illustre Magali Stoller: «Une institution culturelle, c’est aussi un département technique, une administration, des archives, et donc bien des métiers différents. Une des élèves ayant fait son stage au Musée de l’Elysée est aujourd’hui à l’accueil d’un centre médical car elle a développé des compétences transférables à un autre milieu professionnel.»

L’Elysée au cœur du projet

Aujourd’hui, Passerelle Culturelle compte huit jeunes travaillant au sein d’autant d’institutions. Si de nombreux autres partenaires se sont greffés à cette formation, le Musée de l’Elysée reste l’établissement au cœur du projet: «C’est dans les locaux du musée qu’ont lieux les cours théoriques, et c’est également là-bas que se déroulent les quelques activités regroupant tous les jeunes de Passerelle Culturelle. Depuis 2015, ils conçoivent et animent des ateliers lors de la Nuit des Images et ont également imaginé et géré une activité lors de l’événement de clôture de l’Elysée. Le déménagement du musée a aussi été l’occasion de les faire travailler conjointement pendant près de deux ans sur le reconditionnement des diapositives d’un fond du photographe Jean Mohr», explique Magali Stoller.

Le déménagement vers Plateforme 10 va également chambouler la collaboration entre le Musée de l’Elysée et Passerelle Culturelle. Les nouveaux locaux accueilleront aussi le mudac (Musée de design et d’arts appliqués contemporains), tandis que le Musée cantonal des beaux-arts a déjà pris ses quartiers sur le site. De futurs partenaires? «C’est certain que de réunir sur un même lieu plusieurs institutions va offrir beaucoup plus de possibilités à Passerelle Culturelle. Toute l’esplanade va également devoir vivre, il y a aura des restaurants, des arcades», se réjouit Sinje Kappes. Un déménagement plutôt synonyme de coup d’accélérateur que de coup de frein, donc. De là à ouvrir la formation à un plus grand nombre d’élèves, Magali Stoller et Sinje Kappes préfèrent ne pas se projeter trop en avant: «Le projet est de créer un vrai espace pour Passerelle Culturelle à Plateforme 10, mais pour l’instant, cela reste de la musique d’avenir.» 

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