KEYSTONE/APA/Jeff Mangione

Les collections du Musée de l’Elysée, ce sont 1,2 millions de phototypes, dont 200’000 tirages, 200’000 plaques de projection ou diapositives, 800’000 négatifs et 1000 albums. Le déménagement d’autant d’œuvres semble représenter un travail herculéen, mais n’est finalement que la pointe de l’iceberg. Avant le ballet de camions qui rapatrieront une partie de l’histoire de la photographie vers le nouveau site de PLATEFORME 10, il s’agit aujourd’hui de préparer ces collections en vue de leur transfert.

Pour Nora Mathys, responsable du département des collections du Musée de l’Elysée, ce n’est effectivement pas le transport des œuvres en lui-même qui constitue le gros du travail: «L’enjeu principal est de pouvoir déménager les collections en sécurité, ne rien perdre en route et être capable de tout retrouver dans nos nouveaux locaux. Il s’agit avant tout de ne rien abimer, mais aussi de sécuriser leur conservation une fois déplacées à PLATEFORME 10», prévient-elle.

Qui dit nouveaux espaces dit également nouveaux défis pour ce département. Jusqu’à présent, toutes les œuvres étaient conservées à 18 degrés. A PLATEFORME 10, noirs et blancs, couleurs et négatifs seront entreposés dans des pièces aux climats adéquats, respectivement à 17, 10 et 6 degrés. Une aubaine pour la conservation des objets, mais du travail supplémentaire pour l’équipe de Nora Mathys: «Nous avons terminé le rangement, qui était une des premières étapes. A présent, nous faisons le tri des tirages en ouvrant chaque boîte pour séparer la couleur du noir et blanc. Nous profitons par la même occasion de vérifier que tout soit là et que le contenu des boîtes soit saisi et listé dans nos inventaires.» C’est l’étape dite du récolement. Suivra ensuite la palettisation des boîtes en vue d’être transportées vers le nouveau site à deux pas de la gare de Lausanne.

Simplifier les bases de données

Les collections ne vont cependant pas emménager de sitôt dans leurs nouveaux quartiers. Avant leur transfert, d’autres problématiques doivent encore être réglées, notamment la question des bases de données. Le Musée de l’Elysée fonctionnait jusqu’à présent avec une cinquantaine d’inventaires différents. Pour Nora Mathys, pas question de déménager à PLATEFORME 10 avec un système similaire: «Pour le moment, nous avons des bases de données avec nos œuvres uniques, des listes Excel ou des FileMaker pour les fonds des photographes… Le but est de tout unifier et regrouper dans une seule base de données que nous partagerons également avec le Musée cantonal des beaux-arts et le mudac. Ce sera un immense gain de temps et d’efficacité», se réjouit-elle. Rechercher une œuvre s’apparente-t-il à une expédition version «chasse au trésor» avec l’ancien système? «On s’y retrouve quand même bien, mais c’est vrai que les personnes qui travaillent depuis longtemps à l’Elysée connaissent mieux l’emplacement des objets que les autres. A PLATEFORME 10, on recommence à zéro et tout le monde sera logé à la même enseigne.» 

Ne pas se perdre, et surtout ne pas égarer d’œuvres est loin d’être anodin avec des collections aussi fournies que celles de l’Elysée. Pour s’y retrouver au mieux, le département de Nora Mathys va aussi transformer sa manière de travailler: «Le déménagement nous force à poser une réflexion sur la façon dont nous faisons les choses. Il va aussi nous obliger à être plus à jour concernant notre base de données, ainsi qu’à travailler de manière plus archivistique, en faisant un traitement de masse d’une partie de nos collections, notamment les fonds», détaille Nora Mathys. Une façon de faire qu’elle n’appréhende pas particulièrement, elle qui possède justement une formation d’archiviste.

Des collections dans un unique et même lieu

Un remaniement complet attend donc le département des collections, que cela soit dans la pratique, avec une façon différente de ranger, de conserver et de consigner les œuvres. En théorie, c’est également l’ouverture d’un champ des possibles: «Ce déménagement est l’occasion pour le département de définir de nouveaux concepts et processus afin de revoir sa gestion dans son ensemble. On va également profiter de mettre en place la norme Spectrum 5.0, qui donne des conseils sur les mesures de gestion des collections qu’adoptent la plupart des musées», précise Nora Mathys. Autre révolution pour les collections: être toutes conservées dans un unique et même lieu. Entièrement stockées à PLATEFORME 10, plus besoin d’aller chercher des œuvres à Lucens, Corbeyrier, Sévelin ou la Cinémathèque suisse. Tout sera à portée de main.

On parle ici au futur, mais pour le moment les collections restent à l’état de grand chantier, avec des travaux déjà terminés et d’autres à peine commencés: «Nous n’avons pas un planning linéaire, cela varie selon les projets. Pour le moment, je pense que nous avons fait environ 10% du travail à accomplir», tempère également Nora Mathys. Encore une montagne à gravir donc, mais il est déjà possible de dresser un premier constat: alors que déménagement rime d’habitude avec gros bras et monte-charges, celui du département des collections est d’avantage synonyme de réflexion, d’innovation et de remise en question.

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