©Julie Dayer/Musée de l’Elysée

Lorsque 35 ans d’images déménagent, cela occasionne forcément un remue-ménage. En vue du transfert de ses collections sur le site de PLATEFORME 10, la maison de maître fermée au public mais qu’occupe encore le Musée de l’Elysée s’est métamorphosée: des cloisons ont été abattues, des ouvertures sciées et des îlots de travail érigés. Les anciens espaces d’exposition ont cédé la place à des ateliers.

Sous les combles, du rock résonne et la lumière du jour éclaire trois îlots où des pochettes photographiques sont manipulées et triées. «A partir de mai 2019, nous avons réaménagé cet espace en atelier de récolement. On trie et vérifie l’inventaire de chaque boîte, en séparant également les tirages noir et blanc et couleur», explique Mélanie Bétrisey, conservatrice-assistante et coordinatrice des collections au Musée de l’Elysée. Un travail minutieux qui demande de la place. «L’espace à disposition est une ressource extrêmement précieuse», commente Nora Mathys, responsable du département des collections. «Un chantier de collection nécessite qu’on puisse s’étaler.»

Des espaces redistribués

Pour ce faire, le département technique du musée a fait preuve d’ingéniosité. Donovan Cantoni, est responsable de l’application des plans d’aménagement. Du perçage de fenêtres dans les parois d’exposition à la construction de tables mobiles permettant de travailler assis comme debout, le technicien adapte constamment la villa aux besoins du déménagement. «Ce n’était pas agréable pour les équipes de travailler tous les jours sans lumière naturelle», explique-t-il.

©Julie Dayer/Musée de l’Elysée

Depuis la fermeture du musée, le réaménagement s’est étendu à l’ensemble de la demeure. Au premier étage, des ateliers de conservation et de reconditionnement occupent les anciennes salles d’exposition. Le mobilier issu de ces espaces de travail revisités trouvera une seconde vie à PLATEFORME 10. «Nous souhaitons recycler au maximum tous les meubles construits ou achetés pour le déménagement. Cela s’insère dans notre charte écoresponsable», précise Nora Mathys.

Un Tetris géant

Sortir quelque 200’000 tirages photographiques d’une bâtisse datant du XVIIIe siècle promet quelques acrobaties. «Le problème est que le bâtiment n’est vraiment pas prévu pour», souligne Nora Mathys. De fait, les escaliers et le passage étroit des portes ne font pas bon ménage avec le transfert de cargaisons. «Il nous manquait un demi-centimètre pour que les palettes passent dans l’ascenseur…», explique Donovan Cantoni. Conséquence: l’étape dite de palettisation ne peut être réalisée qu’au rez inférieur, seul étage accessible pour le chargement des cargaisons avant leur acheminement à PLATEFORME 10.

©Julie Dayer/Musée de l’Elysée

«Seules deux salles peuvent être utilisées pour entreposer les palettes», partage Mélanie Bétrisey en pénétrant dans le garage où une odeur de bois nous accueille. Les pièces prévues à cet effet manqueront néanmoins rapidement de place. «On réfléchit actuellement à la possibilité d’étendre la palettisation à un entrepôt extérieur, mais pour l’instant celui-ci contient un fonds que nous terminons de restaurer», souligne Nora Mathys. Le déménagement se révèle être un véritable casse-tête, sorte de Tetris à taille humaine. «Il nous manque une zone tampon, glisse Donovan Cantoni. «La coordination entre les départements est donc indispensable avant toute manœuvre.»

La pandémie en invitée surprise

Ce manque d’espace est exacerbé par les imprévus liés au coronavirus. Au sous-sol, une dizaine de caisses sont entreposées. A l’intérieur, des tirages issus de l’exposition René Burri, l’explosion du regard patientent en attendant le grand voyage. «Nos expositions itinérantes ont dû être reportées à cause de la pandémie, commente Mélanie Bétrisey, également responsable du fonds Burri. En attendant, les boîtes occupent de l’espace qui pourrait être utilisé pour le stockage de matériel en vue du déménagement.» Outre l’immobilisation des itinérances, le coronavirus a aussi chamboulé la taille des équipes. «Une difficulté majeure est que nous travaillons en effectif réduit, non seulement à cause des limitations sanitaires, mais aussi suite au départ de trois collaborateurs», poursuit Nora Mathys.

©Julie Dayer/Musée de l’Elysée

Malgré les imprévus, les équipes ne cessent de se réinventer avec le déménagement en ligne de mire. «A PLATEFORME 10, la communication entre les départements sera facilitée, et une base de donnée commune nous économisera énormément du temps», se réjouit Nora Mathys. «D’autant plus qu’il n’y aura ni escaliers ni portes étroites», lance Donovan Cantoni, déclenchant le rire de ses collègues.

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