© Anthony Rochat

Qui a déjà vécu un déménagement sait que cela rime souvent avec cartons: remplir, trier, étiqueter, empiler puis transporter… Pour Photo Elysée, c’est un peu la même histoire, mais en remplaçant les cartons par des palettes. Le début de cette étape dite de «palettisation» est le signe que l’arrivée du musée dans ses nouveaux locaux de Plateforme 10 se rapproche à grands pas. C’est en effet l’une des dernières étapes avant le transport effectif des centaines de milliers de phototypes qui peuplent les collections de l’institution. Le gros de ce travail va débuter à l’automne 2022, mais les équipes débutent doucement cette entreprise qui s’apparente à un véritable jeu de Tétris, le côté ludique en moins et la sûreté des collections à assurer en plus.

Préparer un déménagement pas comme les autres

Cette étape n’est pas anodine pour l’institution. Une palette, cela prend de la place, 80 centimètres sur 120 pour être précis, et pour empaqueter autant des phototypes, il en faut logiquement beaucoup. Et à l’avenue de l’Elysée 18, on ne croule malheureusement pas sous les espaces vides. Les deux seuls endroits où il est possible de palettiser sont le garage et la salle de préparation: «Pour pouvoir travailler efficacement, il nous fallait un accès direct à l’extérieur pour sortir facilement les palettes. Elles ne rentrent pas non plus dans l’ascenseur donc impossible de palettiser dans les étages. Nous n’avons évidemment pas de grande halle où nous pourrions réaliser cette étape et il a d’abord fallu préparer le fonds Jean Mohr, qui était stocké dans ces lieux pour pouvoir dégager de la place. Ce chantier a donc dû commencer il y a plusieurs années, dès 2018», se rappelle Mélanie Bétrisey, conservatrice assistante au département des collections. Autre raison de commencer la palettisation si tôt: les différents formats des collections. Pour optimiser la place que prennent les phototypes, il est nécessaire de les ranger méthodiquement, ce qui peut prendre un temps considérable. Et pour cette entreprise délicate, pas question de laisser faire ce travail aux transporteurs: «On a pris la décision que les fonds regroupant des formats différents ou des petits ensembles comme des albums ou des portfolios seraient rangés par nos équipes pour aller plus vite et pour éviter une potentielle casse. Le reste des collections de l’Elysée qui sont déjà triées par taille seront quant à elle palettisées par les déménageurs.»

© Anthony Rochat

Les espaces restreints de l’Elysée font émerger une seconde problématique: impossible de stocker l’intégralité des phototypes après palettisation. Le musée réfléchit pour le moment à la meilleure solution. Idéalement, il faudrait opérer une forme de roulement où les œuvres déjà prêtes à être transportées seraient transférées dans un lieu de stockage d’œuvres d’art par la compagnie s’occupant du transport. Un musée qui déménage prend une place considérable mais cela demande aussi bien plus de précautions que lorsqu’il s’agit de changer de colocation. Pour des cartons d’assiettes, inscrire «fragile» en lettres rouges capitales peut être suffisant. Pour une telle institution, ce n’est évidemment pas le cas, témoigne Mélanie Bétrisey: «Nous avons des œuvres plus fragiles que d’autres, notamment celles en verre, qui ne supporteraient pas bien un déplacement en palette à cause des vibrations. Une des solutions envisagées pour leur transport serait d’utiliser des flight cases, ces boîtes noires aux jointures de métal utilisée pour transporter du matériel musical.» S’il y a des œuvres plus fragiles que d’autres, il y en a aussi de plus importantes qui sont stockées dans des boîtes rouge vif. Un code couleur qui permet en cas d’incendie d’indiquer rapidement aux pompiers quels phototypes évacuer en premier.

Optimiser l’arrivée à Plateforme 10

Pour ce qui est du remplissage des palettes, quelques règles sont à respecter. Il ne faut pas qu’elles excèdent les 400 kilos, pas plus de trois étages pour celles sur lesquelles sont empilées des caisses en bois, et du carton est ajouté afin que les boîtes de phototypes ne touchent pas directement les parois, ce qui pourrait à terme abîmer les œuvres: «Nous mettons vraiment tout en place pour que le trésor de l’Elysée puisse être transféré en toute sécurité à Plateforme 10. Au départ nous voulions même encore utiliser un emballage en papier bulle à l’intérieur des caisses, mais d’un point de vue de temps et d’écologie, nous avons décidé que ce n’était pas raisonnable», sourit Mélanie Bétrisey.

© Anthony Rochat

Palettiser, c’est aussi penser au futur, car si on emballe aujourd’hui, c’est pour déballer demain. Rien n’est laissé au hasard par les équipes, qui s’efforcent de rendre l’arrivée dans les nouveaux locaux la plus simple possible. Le rangement dans les caisses doit donc se faire par ordre décroissant: «Si nous avons par exemple des boîtes numérotées de 1 à 100, nous allons commencer par ranger la dernière en premier, car en déballant nous ne pouvons pas savoir exactement où va devoir être placée la boîte numéro 100. Il faut donc qu’elle soit sortie en dernier.» Les palettes possèdent aussi leur système de numérotation afin de savoir exactement ce qu’elles contiennent. Sur chaque chargement se trouve une feuille indiquant le nom de l’institution, la zone de température où devra être stocké le contenu, le numéro de la palette ainsi que l’artiste et les numéros de boîtes. Une façon de s’y retrouver mais surtout de ne rien perdre après avoir fait le récolement complet des collections. Si les camions de déménagement sont encore loin, tout est déjà prêt lorsqu’il sera l’heure de les accueillir.

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