«Aujourd’hui, nous sommes venus vous parler de lumière et de trichromie!» Ainsi commence le deuxième atelier du Photomobile, conçu pour les élèves vaudois âgés de 8 à 12 ans. Deux médiateurs culturels, Pauline Auffret et Miguel Menezes, demandent aux participants de définir le mystérieux mot «trichromie». Ecrit au tableau noir, décomposé, il signifie «trois couleurs». Pourquoi trois?

Mais d’abord, de quelle couleur est la lumière? Les réponses fusent: jaune, transparente, blanche… A l’aide d’un prisme et une lampe torche, les enfants créent, émerveillés, de petits arcs-en-ciel. La plupart découvrent que la lumière se décompose en plusieurs couleurs.

© Mathilda Olmi

Ils vont maintenant apprendre comment les scientifiques du XIXe siècle ont percé le mystère de la couleur pour l’appliquer à la photographie. Le jeu des devinettes continue. Quand a été réalisé le premier cliché en couleurs? Réponse catégorique – et surprenante – des participants: «1990!» Lorsqu’on leur indique que c’est bien plus tôt, ils proposent: «En 1500!» La bonne réponse se situe entre les deux… en 1861.

Le «ruban Tartan» de Sutton

On doit cette avancée révolutionnaire au physicien James Clerk Maxwell (1831-1879). En 1855, l’Ecossais comprend que toutes les couleurs peuvent être reproduites grâce à l’addition des trois lumières colorées primaires: RVB (rouge, vert et bleu). Il invente le concept de «synthèse additive des couleurs».

Quelques années plus tard, en 1861, Thomas Sutton (1819-1875) applique sa découverte à la photographie et réalise le premier cliché en couleurs, le fameux «Tartan Ribbon» («Ruban Tartan»). Surprise des enfants. Certains imaginent d’abord voir un lapin aux couleurs pop! Mais il s’agit bien d’un ruban de tissu. «Le résultat était plus ou moins probant» explique Pauline Auffret. «A la base, le ruban était rouge, vert et noir, mais il est apparu bleu et rose. La technique devait encore être perfectionnée!»

Les mystères du « mélanochromoscope »

Par un jeu de questions-réponses, les élèves découvrent comment les inventeurs du XIXe siècle sont passés du schéma de la synthèse additive à son application photographique: il a fallu réaliser trois clichés l’un après l’autre, à l’aide de trois filtres différents. Pour que la synthèse additive fonctionne, un ordre précis doit être respecté dans la superposition, c’est le fameux RVB – en se perfectionnant, la méthode remplacera le vert par le jaune.

Les enfants découvrent alors le «mélanochromoscope» du Français Louis Ducos du Hauron (1837-1920), breveté en 1874 et considéré comme le premier appareil de photographie en couleurs. A leur tour maintenant de réaliser leurs propres images. La classe est divisée en deux groupes. Chaque groupe choisit un photographe et une mise en scène, nature morte ou portraits.

© Mathilda Olmi

Trois photographies sont prises successivement. A chaque fois, un filtre rouge, puis vert, puis bleu, est placé devant l’objectif d’un appareil numérique. Les trois clichés sont ensuite assemblés sur Photoshop. Entre les trois prises de vues, les enfants peuvent créer des variations : bouger un bras ou carrément quitter le cadre. Effet garanti, dans l’image finale, et visions spectrales très appréciées des participants.

Fécule de pomme de terre

L’atelier se clôt par la présentation d’une sélection de sept images couleurs issues des collections du musée, réalisées entre 1900 et 2000 à l’aide de techniques comme l’autochrome, l’impression jet d’encre ou le Polaroïd. Des images sont signées Nicolas Bouvier, Gaston de Jongh ou Yann Gross. Une photographie anonyme montre la future écrivaine voyageuse Ella Maillart lorsqu’elle était enfant. Les élèves les replacent dans l’ordre chronologique et argumentent leur choix. Ils sont fascinés d’apprendre que l’autochrome est obtenu grâce à la fécule de pomme de terre. Une belle manière de célébrer la photo couleur, qui fête cette année ses 160 ans.

Auteur·e

Ecrire un commentaire